
La concentration
La concentration, sur les courts de tennis et en dehors, on en parle beaucoup mais on se contente souvent de répéter "concentre-toi !" sans vraiment proposer le moyen d’y parvenir.
Alors, la concentration, qu'est-ce que c'est ?
Dans le monde sportif, elle est définie comme :
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la focalisation de l’attention sur les informations pertinentes qui émanent à la fois de l’environnement et de soi-même.
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le maintien de cette focalisation le temps nécessaire à l’action.
QUELS SONT LES DIFFERENTS MODES DE CONCENTRATION ?
L’attention s’organise autour de deux paramètres indépendants : la direction de l’attention qui peut être externe (orientée vers un objet extérieur) ou interne (orientée vers les pensées et les sensations) et le champ d’attention qui peut être large (incluant un grand nombre d’éléments) ou étroit (focalisé sur des objets précis et limités en quantité). Il existe donc (selon Niedeffer) 4 modes de concentration :
1°) le mode large interne qui permet une analyse stratégique et un choix immédiat.
2°) le mode étroit interne qui permet une préparation immédiate à l’action. C’est le moment où l’athlète se concentre sur des éléments précis (image de référence, monologue…)
3°) le mode étroit externe qui indique une concentration sur l’action immédiate, c'est-à-dire sur les éléments essentiels à la réussite à l’action. C'est le mode requis pendant l’action elle-même !
4°) le mode large externe qui permet une évaluation de la situation, afin de prendre des informations complémentaires qui peuvent modifier le cours de l'action.
Ces 4 modes de focalisation sont liés aux temps de l’action : longtemps avant l’action, juste avant l’action, pendant l’action et après l’action.
Toutefois, en fonction du champ d’attention dans lequel on se trouve, on ne sollicite pas les mêmes régions du cerveau et il est difficile, voire impossible, d’être dans deux champs à la fois. Nous savons de manière scientifique que l’attention ne peut se déployer que dans un seul champ à la fois (Houdé-Mazoyer, "Cerveau et psychologie") !
Une des premières causes d’erreur, la plus fréquente, vient de l’ignorance de l’utilisation des champs d’attention. Il faut donc aider l’athlète à choisir le juste mode de concentration et pouvoir en changer en fonction de la situation.
La justesse et la flexibilité des champs de concentration sont donc 2 éléments déterminants de la performance !
Se concentrer revient donc à orienter et focaliser ses champs d’attention, puis à augmenter la concentration juste avant l’action et enfin la maintenir pendant la durée de l’action. Voyons comment ?
COMMENT AUGMENTER LA CONCENTRATION JUSTE AVANT L’ACTION ? L'IMPORTANCE DES "ROUTINES"
La routine est "un ensemble de schémas de pensées, d’action ou d’images, que l’on reproduit systématiquement, avant d’exécuter une performance". (voir aussi lettre n°50, article Marc Renoult)
C’est une stratégie dont l’objectif est de préparer méthodiquement l’entrée la plus parfaite possible dans l’action compétitive, elle-même souvent perçue comme anxiogène. La routine permet donc à la fois une meilleure gestion du stress, une concentration accrue et un renforcement de la confiance.
Elles doivent être élaborées méthodiquement et avec précision, en amont des compétitions et rodées le plus souvent possible afin que l’athlète se les approprie de manière efficace. Le meilleur moyen est de la construire avec l’athlète.
Exemple de routine d'avant match :
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J'écoute de la musique (15') : mode de concentration large interne
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Je visualise et effectue des gestes à blanc (5') : mode étroit interne
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Je saute à la corde ou je trottine (5') : mode étroit interne
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J'entre sur le court en prenant des informations (vent, soleil, spectateurs,..) : mode large externe
Exemple de routine entre les points :
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J'expire fortement (étroit interne)
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Je tourne le dos à l'action et regarde mon tamis (étroit externe)
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Je réfléchis au point passé (large interne)
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Je réfléchis au point suivant (large interne)
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Je m'apprête à servir ou à retourner (étroit interne)
Exemple de routine de changement de côté
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Je récupère en me concentrant sur mes sensations corporelles (étroit interne)
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Je fixe mon regard sur un point du court
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Je me concentre sur ma respiration
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Je positive
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J'élabore ma stratégie pour les jeux suivants
COMMENT ENTRAÎNER LA CONCENTRATION ?
Nous parvenons à muscler notre corps. Pourquoi n’arriverions-nous pas à "muscler" notre mental ? La concentration, comme toutes les autres composantes de la performance, se travaille et s’entraîne par la simple pratique. Comment la travailler ?
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Analyser l’activité sportive
L’athlète doit savoir quand et sur quoi se concentrer avant et pendant l’action. Il doit choisir les éléments importants sur lesquels il faut se focaliser afin de rentrer dans l’action avec fluidité et de maintenir cette fluidité.
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Faire des exercices de concentration générale
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Les yeux ouverts, je fixe un objet assez petit, je le détaille (couleur, forme etc.). Mon regard reste fixé sur lui.
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Je veille à ne pas penser à autre chose que ce détail. Je détends mon corps, je focalise mon attention au maximum, j’augmente son intensité. Seul le détail est net, l’alentour est flou.
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Tout en fixant ce détail, je bouge mon corps sur place. Je ne porte pas attention aux mouvements extérieurs (je reste dans ma bulle de concentration).
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Je réfléchis à ma vie actuelle et à mon futur tout en gardant le regard sur l'objet).
Le principe est de résister aux facteurs de distraction : je fais la même chose en présence d'une télé ou d'une radio allumée.
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Pratiquer l'imagerie mentale
Elle doit faire partie intégrante de l'entraînement car elle permet, en dehors de l'action, d'intégrer des images, des actions, positives, qui referont surface au moment opportun (cf. article Virginie Simon, lettre n°49).
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Se concentrer dès l'échauffement. Par exemple :
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Se concentrer sur les coutures de la balle, puis son sens de rotation puis sur sa vitesse de rotation
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Se concentrer sur le son des frappes
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Se concentrer sur ses propres sensations au niveau des pieds
Le fait de porter son attention longtemps sur un même canal sensoriel (visuel, auditif ou kinesthésique) permet de MUSCLER sa capacité de concentration et de connaître son canal sensoriel préférentiel.
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S’entraîner en présence de facteurs de distraction
L'intégration ponctuelle de différents éléments perturbateurs dans les entraînements permettra à l’athlète d'améliorer sa capacité d’adaptation.
COMMENT MAINTENIR LA CONCENTRATION PENDANT L’ACTION ?
L’athlète doit être dans « l’AGIR », c’est-à-dire se focaliser sur l’action immédiate à venir et se trouver principalement en mode étroit externe. De cette capacité à rester dans ce champ d’attention va dépendre le succès.
Mais, pour maintenir une concentration juste et soutenue, il faut pouvoir résister à certains facteurs de distraction qu’il convient d’énumérer :
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Les pensées vers le passé
De toute évidence, si l’athlète est centré sur l’erreur précédente ou sur un échec récent, il ne peut être en anticipation et être concentré sur l’action à venir.
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Les pensées vers le futur
De la même manière, si l’athlète pense à la victoire, ou au score, il sort du mode de concentration "étroit externe" pour aller dans le mode "large externe" et oublie l'action elle-même.
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Les changements de stratégie en cours d’action
Cela impliquerait de passer au mode "large interne" qui parasiterait la focalisation sur l’action immédiate à venir.
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La surcharge de l’attention
Comme nous l’avons vu, la capacité de traitement de l’information est limitée. Il n’est pas possible d’être concentré sur plusieurs choses à la fois pendant l’action.
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Les éléments extérieurs
On peut citer le public, le vent, le soleil, l'état du court, l'éclairage, son propre cordage… qui sont tous des facteurs de distractions.
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La fatigue ou la douleur
Ne pas y penser est le meilleur moyen de ne pas l’amplifier. Si l’athlète focalise dessus, il quitte le mode étroit externe pour se placer en étroit interne et donc quitte la concentration sur l’action.
CONCLUSION
En résumé, pour faire preuve de compétence en sport il faut :
1° D’abord maîtriser cette compétence parfaitement (technique, tactique)
2° La produire en confiance, donc en contrôlant ses émotions et en y croyant totalement.
3° Etre concentré "juste" et "longtemps", c’est-à-dire activer le ou les champs d’attention nécessaires, dans le bon ordre.
Le mot de la fin revient à Yannick Noah (Secrets, etc…) : « L’art de la concentration est primordial dans tout ce que l’on entreprend : Ici et maintenant, tel est le principe ».